Le marteau et le pinceau

Pierre Charpin
Le marteau et le pinceau
2023

Production
Pierre Charpin 

Project assistant
Aurélie Vial

Photo credit
Pierre Antoine

Text

The Hammer and the Brush

Chair with a cutout

Sometimes, an idea, an intention, remains trapped in the mind’s immaterial realm and lingers there indefinitely, unable to emerge and materialize for lack of a sufficiently convincing trigger, an overly approximate formulation, or simply because it is not its time.
It took me stating something as simple as making a chair is like making a drawing to will myself into action. To do it myself, decide which process to follow, the appropriate material and technique, and the colors to adopt, just as I do in my drawing practice. Instead of going to the paper supplier, I headed to the nearby wood merchant who offers cutting services, as I’ve always done when I needed to make a shelf, a bookcase, storage, and sometimes even a bed for the studio or my personal space. Until now, I hadn’t attempted to make a chair due to a certain reservation regarding this typology—as I have previously expressed.
Wood cutting is all about straight lines. No curved cuts, no angled cuts. Without compromising, the vertical panel saw moves its circular blade horizontally or vertically. It adheres only to the law of orthogonality and cuts at a right angle with the shrill sound of the blade attacking plywood, medium-density fiberboard, particleboard, laminate, or lath… So, it is from custom-cut rectangles and squares that one must compose. The rule is simple and accessible to anyone who wields a hammer. Assemble perpendicularly using the most elementary nail-glue or screw-glue technique and brace it with one or more cut panels designed to ensure the optimum stability of the structure under construction.
Thus, I began sketching a chair, the idea of some comfort in mind, though its design and construction are solely determined by the arrangement and assembly of flat surfaces of the cut panels.
I know from experience that this comfort, though more austere than that of a chair designed to mold to the human body, can be achieved by tilting the seat and backrest for a more inviting sitting experience and acceptable comfort overall.
I design accordingly while rationalizing the cutting plan to obtain a 34-centimeter-wide, single strip cut in the length of the panel, a strip resized in width into four main pieces for the seat, backrest, and legs, and six other identical smaller pieces that allow the backrest and seat to tilt. It is a delightful and unique little design exercise.
A standard plywood panel measuring 1.25 x 2.5 meters is sufficient to create three chairs.
But I don’t stop there. If this exercise only responded to the desire to fulfill a need, the need to sit on a chair, I would do better by visiting the Swedish giant for a substantial cost-saving and buying an industrialized chair for 19.99 euros.
Since the defining characteristic of this process is my control of it, I want to address the entirety of the problem in question—and perhaps even surpass it. Once the cutting and hammering phase (structural resolution) is completed, it’s time for the brush. I coat and prepare, just as one prepares a canvas or stretches a sheet of paper before diligently investing its surface. Indeed, plans that arrange themselves three-dimensionally are at stake here, and they will be crucial when organizing patterns.
Here, too, I opt for straight lines and the most appropriate technique, the one we used to call zip’ in art school, or more commonly, masking tape, back in the DIY section.
This time, the five chairs, five patterns, nine colors, the small magic of odd numbers will open the doors to new possible attempts.
Aside from the firm and neutral hand of the sawyer, who knows nothing of my intentions since, as is customary, I hand him a small list of handwritten dimensions on a piece of paper and Aurélie’s invaluable assistance to verify certain hypotheses and rationalize the cutting plan, it is done without anyone else interfering. The pleasure of assuming the entirety of production is like drawing: take it or leave it.
I am not without the awareness that beneath the apparent naiveté and freshness of the operation, this way of doing things and its aesthetic orientation resonate with already proven practices. I don’t mind; the dynamics of the process and the pleasure it provides prevail over all other considerations.
And when Yvon and Eve approached me to consider a future new exhibition, I shared this joyful little project with them. They visited me in the studio, driven by their curiosity, and we agreed that these five chairs, five painted chairs, or five chair paintings, along with a collection of approximately twenty small-sized drawings, would undoubtedly constitute the material for this new exhibition.

Pierre Charpin. 2023

Le marteau et le pinceau.
Chaise à la découpe 

Il arrive parfois qu’une idée, une intention, reste bloquée dans le domaine immatériel de l’esprit et qu’elle séjourne là, pour un laps de temps indéterminé, sans qu’elle arrive à émerger pour se concrétiser faute d’un élément déclencheur suffisamment convaincant, d’une formulation trop approximative ou parce que ce n’est simplement pas son heure.
Il aura fallu que j’énonce la chose aussi simplement que : « faire une chaise comme faire un dessin », pour me persuader de passer à l’action. Faire la chose par moi-même, seul à décider du processus à suivre, du matériau et de la technique à utiliser, de la ou des couleurs à adopter, exactement comme lorsque je me consacre à ma pratique du dessin.
Ainsi, plutôt que de me rendre chez le fournisseur de papier, c’est chez le marchand de bois proche de l’atelier qui propose le service à la découpe que je me suis dirigé, comme je l’ai au fond toujours fait lorsque j’avais besoin de faire une étagère, une bibliothèque, un rangement, parfois même un lit, pour l’atelier ou mon habitat personnel. Je n’avais pas jusqu’ici poussé l’affaire jusqu’à la réalisation d’une chaise, par une sorte de retenue vis-à-vis de cette typologie, mais je me suis déjà exprimé sur ce point.
Le bois à la découpe c’est du rectiligne. Pas de coupe courbe, de coupe d’angle. Sans concession, la scie à panneaux verticale, déplace sa lame circulaire horizontalement ou verticalement. Elle est soumise à la seule loi de l’orthogonalité et débite de l’angle droit au son strident de la lame qui attaque le panneau de contreplaqué, de medium, d’aggloméré, de laminé, ou de latté… C’est donc à partir de rectangles et de carrés découpés sur mesure qu’il faut composer. La règle est simple, et accessible à quiconque manie le marteau. Assembler perpendiculairement, par la technique on ne peut plus élémentaire du clouer-coller, où du visser-coller, et contreventer, toujours à l’aide d’un ou de plusieurs panneaux découpés prévus à cet effet, pour assurer une stabilité optimum de la structure en construction.
Ainsi, je me suis mis à esquisser une chaise, ne négligeant pas l’idée d’un certain confort, et ce bien que son dessin et sa construction soit uniquement déterminé par l’agencement et l’assemblage de plans, surface planes des panneaux découpés.
Je sais par expérience que ce confort, certes plus austère que celui d’une chaise qui tend à épouser les lignes du corps humain, peut s’obtenir par l’inclinaison de l’assise et du dossier pour proposer une assise plus avenante et un confort somme tout acceptable.
Je dessine en conséquence tout en rationalisant le plan de découpe pour obtenir une seule bande d’une largeur de 34 centimètres dans la longueur du panneau à découper, bande retaillée dans sa largeur en quatre morceaux principaux, l’assise, le dossier et les piètements et 6 autres petits morceaux identiques qui permettent d’obtenir l’inclinaison du dossier et de l’assise et donner au dessin de la chaise sa singularité.
Un sympathique petit exercice de design.
Un panneau standard de contreplaqué de 1 mètre 25 par 2 mètres 50 permet la réalisation de trois chaises.
Mais je ne m’en tiens pas là, car si ce jeu répondait à la seule nécessité de combler un besoin, celui de vouloir m’assoir sur une chaise, il va sans dire que j’aurai meilleur temps en me rendant chez le géant suédois, pour, en plus, un gain d’économie substantiel, en m’achetant une chaise industrialisée à 19 euros 99 centimes.
Puisque j’ai la main sur l’ensemble du processus, c’est ce qui d’ailleurs le caractérise, je veux ici affronter la totalité du problème, peut-être même le dépasser. Une fois achevée la phase de la découpe et du marteau (résolution structurelle), voici celle du pinceau. J’enduis et j’apprête, comme on prépare une toile, comme on tend une feuille de papier avant d’investir sensiblement sa surface. Certes il s’agit ici de plans qui s’agencent dans les 3 dimensions, ce qui sera déterminant dans l’organisation des motifs.
Ici aussi j’opte pour du rectiligne et la technique la plus appropriée, celle du ‘’zip’’ comme nous la nommions étudiants à l’école des beaux-arts, ou plus communément du scotch de masquage, pour revenir au rayon bricolage.
Pour cette fois ce sera cinq chaises, cinq motifs, neuf couleurs, petite magie des chiffres impairs qui laissent la porte ouverte à de nouvelles autres possibles tentatives.
Mis à part la main ferme et neutre du scieur, qui ne connait rien de mes intentions, puisque comme c’est l’usage, je lui tends une petite liste de dimensions manuscrites sur un bout de papier, et la précieuse assistance d’Aurélie pour vérifier certaines hypothèses avancées et rationaliser le plan de découpe, voilà qui est fait sans que personne d’autre n’interfère.
Plaisir d’assumer la totalité d’une production, c’est comme les dessins, à prendre ou à laisser.
Je ne suis pas sans savoir que sous l’apparente naïveté et fraicheur de l’opération, ce mode de faire, comme son orientation esthétique, raisonne avec des pratiques déjà éprouvées. Peu m’importe, c’est bien la dynamique du processus et du plaisir qu’il procure qui prévaut sur toutes les autres considérations.
Et lorsque Yvon et Ève, dans le même moment, me sollicitaient pour envisager une prochaine nouvelle exposition, je leur faisais part de cette joyeuse petite entreprise. Ils me rendaient alors visite à l’atelier, poussés par leur curiosité, et devant ces cinq chaises, cinq chaises peintes ou cinq peintures chaises, et un ensemble d’environ une vingtaine de dessins de dimension modeste, nous convenions que tout cela devait de toute évidence constituer le matériau de cette nouvelle exposition. 

Pierre Charpin. 2023

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