Kyoto

Pierre Charpin
Kyoto
2012

Residency at Villa Kujoyama, Kyoto

Text

There are always several reasons for drawing that determine the result and its meaning. as far as i am concerned, the most decisive aspect is the tool with which i draw. there is, of course, also the format, the nature of the medium – paper often, of different qualities – but also the energy i have and the mood i am in when it is time to draw. in short, i could say that for me drawing is first and foremost a representation of a drawing in itself, of representing the very act of drawing. it is in the end not quite a matter of inspiration here, even though external factors can sometimes be decisive, the context of a place for instance, which was very clearly the case for the drawing series i made in kyoto, including the monkeys series. 

i made this series during a residency in villa kujoyama in kyoto, japan. i spent 4 months there in autumn 2012, staying in a studio on the hillside, on the edge of the forest, on the east coast of the city. i was in residency for a project on lacquer – urushi – that proved rather hard to carry through to a successful conclusion. at the same time, i started to draw intensely, an undertaking entirely of my own, making decisions that were mine alone, not depending on someone else’s know-how. in my luggage i had brought a certain amount of tools i usually use here at the studio when i draw. i didn’t use a single one of them. after some shopping during the first days – in one of the 100 yen shops well known to whoever goes to japan – a bottle of indian ink and some average quality brushes became my drawing tools for the rest of my stay. 

as the weather was gently transitioning from summer’s unpleasant wet heat to the first signs of winter, i became familiar with ink and pen drawing, eventually mastering it somehow. after a lot of trial and error, mostly trying to avoid giving in to pseudo-calligraphy, looking for a direction in my work, i began a series of drawings that in the end amounted to a kind of theoretical landscape of kyoto. i say theoretical because the drawings had something very geometrical about them, schematic even, bringing places to mind more than representing them realistically.

so did i draw the kamo river which crosses the city centre down different levels from north to south. i drew the five holly hills, including the famous mount daimonji, surrounding and protecting the city. i drew the full moon, tsukimi, celebrated by the japanese people the evening of the 15th day of the 8th lunar month. i also drew a torri, a scarlet portico found at the entrance of every sanctuary, and that’s when the monkeys appeared. they appeared in a rather unexpected way, since in my program i had been focusing on the landscape’s physical elements only, as opposed to beings. an unexpected presence they were too, showing up early in the morning or late in the afternoon, coming down the hill in bands, all at once, leaving the cool of the forest to pay the distrustful inhabitants a furtive visit, in search of some food. 

i drew the monkeys series three days before leaving japan at a time when i was already busy planning my trip back to paris. i made them quickly, following my instinct – they came spontaneously, with a sense of urgency. i was making up for having forgotten that monkeys were also one of kyoto’s remarkable and distinctive elements, one that struck me. i had the chance to see them on a rather regular basis, living by the city, on the edge of the forest. i did not try to make those portraits true to life, focusing instead on producing signs that would express their animalistic nature, as well as the different personalities” which, while silently observing them, i noticed they have. some seemed friendly, others aggressive, others thoughtful or unsure, some happy or rather sad. they were all wearing the features of their singularity, in an unsettling similarity with ourselves.

sebastian wrong would often visit me at the studio while we worked on the development of the pc lamp project in 2015. right away, he had shown his interest for one of the monkeys, hung up on the wall facing the entrance to the studio. he asked to see the series as well as all the other drawings i did in kyoto. a few days later, he told me he wanted to make an edition of it. i agreed, thinking that, far away from here, the monkeys in kyoto were continuing their acrobatic comings and goings, not caring the least about the happy news, not even knowing that i drew them one day. 

Pierre Charpin, april 2016

Il y a toujours plusieurs facteurs qui déterminent les raisons et donc le résultat et le sens d’un dessin. Me concernant, c’est avant tout l’outil avec lequel je vais le réaliser qui est décisif. Bien sûr, il y a aussi le format, la nature du support, souvent du papier, de qualités diverses, mais aussi l’énergie et l’humeur avec lesquelles j’affronte l’acte de dessiner. Pour résumer, je pourrais dire que le dessin est avant tout pour moi un acte de représentation du dessin lui même, de représentation de l’acte de dessiner. Il est au fond assez peu question ici d’inspiration, même si parfois des éléments extérieurs au dessin peuvent être des déclencheurs déterminants, comme par exemple le contexte d’un lieu, ce qui est clairement le cas pour la série des dessins réalisés à Kyoto dont celle des Singes.
Cette série a été réalisée lors d’une résidence que j’ai effectuée à la Villa Kujoyama située à Kyoto au Japon. J’y ai séjourné pendant 4 mois, à l’automne 2012, dans un atelier à flanc de colline, à la lisière de la forêt, sur le coté est de la ville. J’effectuais cette résidence pour un projet lié à la laque, Urushi, qui s’est avéré très compliqué à mener. Parallèlement, j’ai très vite entrepris une activité intense de dessin, une activité où j’étais totalement autonome, seul maître de mes décisions, sans avoir besoin du recours à des compétences extérieures. J’avais apporté dans mes bagages une certaine quantité d’outils que j’utilise habituellement ici à l’atelier pour dessiner. Je n’en ai jamais fait usage. Après des achats, dès les premiers jours,dans un des fameux magasin 100 Yen Shop, bien connu pour qui fréquente le Japon, une bouteille d’encre de chine et de pinceaux de qualité moyenne sont devenus mes outils de dessin pour tout le reste de mon séjour.
Alors que le temps glissait progressivement de la pénible chaleur humide de l’été vers les premiers signes marquants de l‘hiver qui s’amorçait, je me familiarisais avec cette technique du dessin au pinceau à l’encre de chine, jusqu’à acquérir une certaine maîtrise. Après de nombreux tâtonnements, évitant surtout de tomber dans le piège de la pseudo calligraphie,à la recherche d’une direction de travail, j’ai entamé une série de dessins dont l’ensemble finissait par former une sorte de paysage théorique de Kyoto. Je dis théorique, car il s’agissait de dessins à caractère plutôt géométrique, disons même très schématique, qui évoquaient davantage des lieux plutôt qu’ils ne les représentaient de façon réaliste.
Ainsi j’ai dessiné la Kamo river qui traverse en escalier du nord au sud la ville en son centre. Les cinq collines sacrées, dont le fameux mont Daimonji, qui entoure et protège la ville. La pleine lune, Tsukimi, que les japonais célèbrent au soir du 15e jour du 8 eme mois lunaire. Un Torii, le portique rouge vermillon qui marque l’entrée des sanctuaires… et puis sont arrivés les singes. De façon plutôt inattendue dans mon programme, car je m’attachais avant tout à représenter des éléments physiques du paysage et non des êtres vivants. Inattendue, exactement comme les singes eux même apparaissaient lorsque tôt le matin ou en toute fin d’après midi ils descendaient par bande de la colline, à l’improviste, sortant de la fraîcheur de la forêt, pour rendre furtivement visite aux habitants plutôt méfiants, à la recherche de quelques nourritures.
J’ai dessiné la série des singes trois jours avant mon départ, alors que j’étais déjà dans les préparatifs de mon retour vers Paris. Par des gestes rapides, intuitifs, ces dessins sont venus de façon spontanée, comme dans une urgence, pour combler l’oubli que les singes étaient aussi un des éléments singulier et constitutif du paysage de Kyoto qui m’avait marqué et auquel j’avais la chance de me confronter assez régulièrement, de par ma situation en limite de ville en lisière de forêt.
Je n’ai pas cherché à produire des portraits réalistes, mais à produire des signes qui puissent exprimer avant tout leur animalité. Mais aussi leurs différentes personnalités” que j’avais pu noter lorsque je les avais silencieusement observé. Certains semblaient sympathiques, d’autres agressifs, d’autres pensifs ou interrogatifs, joyeux ou plutôt tristes… Ils portaient tous les traits de leur singularité, dans une troublante similitude avec nous même.
Sebastian Wrong qui me rendait souvent visite à l’atelier durant l’année 2015 alors que nous travaillions au développement du projet de la PC Lampe, avait tout de suite marqué son intérêt pour l’un des singes qui était accroché au mur face à l’entrée de l’atelier. Il m’a demandé d’en voir la série comme l’ensemble des dessins réalisés à Kyoto. Quelques jours plus tard il m’annonçait qu’il désirait en faire une édition. Je donnais mon accord, tout en songeant que, loin d’ici, les singes de Kyoto continuaient leurs va-et-vient acrobatiques dans la plus grande indifférence de cette heureuse décision, ignorant qu’un jour je les avais dessinés.

Pierre Charpin, Avril 2016

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