CIRVA collection

Pierre Charpin
CIRVA collection
1998 / 2001
Text

Extract for the book‚“Pierre Charpin au Cirva” Published in 2001, Grégoire Gardette édition.

If I think today of what most characterises this work done at the CIRVA between 1998 and 2001, it is time, and more particularly the possibility of taking time.

This became apparent as early as the invitation made by Françoise Guichon in 1996, by the time it took me to respond to her proposal which somewhat embarrassed me. To work with a material as a unique given to begin a project never really interested me, and I sometimes even find myself irritated by this way of working and the results that it may engender.

I had no opinion on glass, no opinion of what I might do with it, and no pre-established project when I went for the first time to the CIRVA. I only wanted to observe, to learn and to evaluate.

Little by little a position (or posture, as we might say today) was drawn which seemed interesting to me in this open context. It was what might be called a position of resistance“, or at least distance, in relation to the temptation of exploring all of the available techniques, or the vast possibilities of form offered by glass blowing. I decided to work within restrained parameters, more or less perceptible; to opt for a tight project space. I decided to center my work around a simple form, the cylinder. The cylinder as container (vase), as a form of (elementary) revolution characteristic of the glass blowing technique.

This came to be, because at the time I was already interested in exploring mechanisms leading to a simplification of the object, in order to reduce the object to its essential qualities. This was often translated by work around elementary functions and forms, but also by work which consisted of allowing the constructive dimension of the object to appear as little as possible. I was looking for ways to permit a direct, even sensorial, perception of the object, rather than to provide a structural reading.

All of this entered into a more general reflection that I was leading to explore meaning within the project. I didn‘t much believe in the idea of attempting to find an ideal or original drawing, in searching for new expressive qualities of the object, as I was equally indifferent to the idea of elaborating a personal catalog of signs.

I was considering the question of articulation: the possible articulation of objects among themselves, the articulation of the object with the environment containing it, and the possible consequences that these considerations might have on their conception. I was interested in considering the object, beyond its use, as an element participating in the constitution of a more complex whole. In fact, these thoughts represented an attempt to find a project which would act more on the quality of the relation of things among themselves, rather than on the quality of each thing taken separately.

And thus, advancing through experiment, the idea was affirmed of creating a group of objects, of elements which might interact among themselves to the point of forming a sort of landscape, the metaphor of these thoughts.

Thus, time has been necessary in the creation of the objects in this book.

Time, and more importantly the express desire to take the time to envision all of the parameters which might come into the realisation of such simple forms. To take the time to achieve the perfection of blowing the tubes; to envision their heights, diameters, thickness; to evaluate the colors, their densities, luminosities, transparencies, their coherency. To take the time to judge the width, the depth, the form of the cuts and the degree of polish, when I became aware of the desire to intervene on the surface of the tube using cutting techniques. To take the time to look, step back and put aside what seemed to be situated beyond the boundaries that had, in time, become precise.

I have the feeling, when I observe these objects today, beyond the tension inherent in their creation, that one of their qualities and perhaps their paradoxes, resides in the fact that neither the time, nor the virtuosity of certain gestures necessary for their creation is obviously perceptible. There is nothing demonstrative in this! It seems to me anyway.

Pierre Charpin, 2001

Extrait du livre Pierre Charpin au Cirva”
Publié en 2001, Grégoire Gardette édition.

Si je pense aujourd’hui à ce qui caractérise peut-être le plus ce travail réalisé au CIRVA entre 1998 et 2001, c’est le temps, et plus particulièrement la possibilité de prendre le temps. 

Cela s’est manifesté dès l’invitation que m’a faite Françoise Guichon en 1996, par le temps qui m’a été nécessaire pour répondre à cette proposition qui m’avait un peu embarrassé. Travailler à partir du matériau comme seul et unique donnée de départ d’un projet ne m’a jamais vraiment intéressé, et j’éprouve même parfois quelques irritations pour ce genre de démarche et les résultats que cela peut engendrer. 

Je n’avais pas d’opinion sur le verre, pas d’opinion sur ce que je pouvais en faire, pas de projet préétabli lorsque je me suis rendu pour la première fois au CIRVA, dans le seul but d’observer, d’appréhender, d’évaluer.

Peu à peu s’est dessinée une position, une posture comme on dit aujourd’hui, qui m’a semblé intéressante dans ce contexte très ouvert. Il s’agissait, pour ainsi dire, d’une position de ‘’résistance’’, ou tout du moins de distance, par rapport à la tentation d’explorer l’ensemble des techniques à disposition, ou les vastes possibilités de formes qu’offre le soufflage. Je décidais de travailler sur des paramètres restreints, plus ou moins perceptibles, d’opter pour un espace de projet très ténu. Je décidais de centrer le travail autour d’une forme simple, le cylindre. Le cylindre comme contenant (vase), comme forme de révolution (élémentaire) caractéristique de la technique du soufflage. 

Il en a été ainsi, parce qu’à ce moment-là déjà, j’étais intéressé par la recherche de mécanismes menant à une simplification de l’objet, afin de réduire l’objet à ses qualités essentielles. Cela se traduisait souvent par un travail autour de fonctions et de formes élémentaires, mais aussi par un travail qui consistait à faire transparaître le moins possible la dimension constructive de l’objet. Je cherchais les moyens de permettre une appréhension directe de l’objet, sensorielle même, plutôt que d’en proposer une lecture structurelle. 

Tout cela rentrait dans une réflexion plus générale que je portais sur la recherche du sens du projet. Je ne croyais pas beaucoup à l’idée de recherche d’un dessin idéal ou original, ni à la recherche de nouvelles qualités expressives de l’objet, tout comme j’étais assez indifférent à l’idée d’élaborer un répertoire personnel de signes. 

Je m’interrogeais sur la question de l’articulation : sur la possible articulation des objets entre eux, sur l’articulation de l’objet avec l’environnement qui le contient, et sur les possibles conséquences que ces considérations pouvaient avoir sur leur conception. J’étais intéressé par le fait de considérer l’objet, au-delà de son usage, comme un élément qui participe à la constitution de globalités plus complexes. En fait, tout cela correspondait à la tentative de recherche d’un projet qui agisse davantage sur la qualité de relation des choses entre elles, plutôt que sur la qualité de chaque chose prise séparément. 

C’est donc au fur et à mesure des expériences que s’est affirmée l’idée de procéder à la réalisation d’un ensemble de choses, d’éléments qui puissent interagir entre eux, au point de former une de sorte paysage, métaphore de ces pensées. 

Ainsi, du temps aura été nécessaire pour réaliser ce qui figure dans ce carnet.
Du temps, et surtout la volonté affirmée de vouloir prendre le temps pour envisager l’ensemble des paramètres qui peuvent entrer dans la réalisation de formes aussi simples. Prendre le temps pour atteindre la perfection du soufflage des tubes ; pour envisager leurs hauteurs, leurs diamètres, leurs épaisseurs ; pour évaluer les couleurs, leurs densités, leurs luminosités, leurs transparences, leurs cohérences. Prendre le temps pour juger de la largeur, de la profondeur, de la forme des entailles et de leurs degrés de polissage, lorsqu’est survenu le désir d’intervenir sur la surface du tube en utilisant la technique de la taille. Prendre le temps pour regarder, mettre en distance et écarter tout ce qui semblait se situer hors des exigences qui s’étaient au fil du temps précisées. 

J’ai le sentiment lorsque je regarde aujourd’hui ces objets, hors des tensions inhérentes à leur création, que l’une de leur qualité et aussi peut-être de leur paradoxe, réside dans le fait que ni le temps, ni la virtuosité de certains gestes nécessaires à leur réalisation n’est ostentatoirement perceptible. Il n’y a rien de démonstratif dans tout cela ! Enfin il me semble.

Pierre Charpin, 2001

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